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Monsieur Cabrol,
Je découvre par l’intermédiaire des post Linked-in de Mr Jancovici votre expérimentation de pâturage à haute efficacité d’absorption de CO2 grâce à une forte concentration de matière organique.
Vos chiffres le prouvent puisque vos sols capturent plus de 10 t CO2/ha/an ce qui est supérieur à l’absorption moyenne des forêts dans le monde (1.7 t CO2/ha/an)
Cependant il y a un point qui me préoccupe, c’est, d’une manière générale, la quantité de carbone stockée dans les sols.
En effet, dans le résumé à l’intention des décideurs en page 4 du rapport du GIEC de l’an 2000, il y a un histogramme qui montre les stockages de carbone dans les sols et dans la végétation en fonction des types de terrain.
Cet histogramme montre que tous les sols stockent du carbone, même les zones désertiques, là ou il n’y a pas de végétation, ni matière organique.
D’après cet histogramme, les zones désertiques stockent plus de carbone dans les sols que les forêts tempérées (180 contre 100 tC/ha)
Comment expliquer une telle quantité de carbone stockée dans les zones désertiques ?
Tonne de carbone par hectare
Source: Puits de carbone — Wikipédia
Quand je regarde cet histogramme, j’ai l’impression que le CO2 dans l’atmosphère redescend lentement sur terre au fil des siècles, au gré de la météo, indépendamment de ce qu’il y a sa surface.
S’il tombe sur des forêts une partie sera stockée en carbone dans les arbres, le reste ira dans le sol,
S’il tombe sur vos pâturages à haute efficacité, une partie sera stockée dans la végétation qui la compose, le reste ira dans le sol
S’il tombe sur une prairie traditionnelle, une faible partie sera stockée dans les herbes, la majorité ira dans le sol
S’il tombe sur un désert, la totalité du CO2 ira directement dans le sol
Qu’en pensez-vous ?
Bien cordialement
Charles Couland
Bonjour Charles,
Merci pour tous ces documents. C’est vrai que la teneur des forêts est plus faible de celle des désert. Cela est très interpellant.
Ceci dit on peut expliquer la teneur plus faible des forêts par le fait que souvent ce sont les sols les moins épais que l’homme leur laissent.
A l’inverse, les déserts sont souvent des zones ou l’homme c’est adonné à l’agriculture. Le Sahara a eu été boisées sans que l’on puisse dire que l’homme est responsable du déclin de la végétation.
Bref, il est possible que ces stock carbone soient des reliquats de périodes antérieures et que finalement la couche dégradée soit peu épaisse.
Pour 150 T/hectare, on serait à 2,2 de MO en moyenne sur 1 mètre.
Cela est une bonne nouvelle!
Les sols cultivé ont les meilleurs candidats au stockage carbone car il sont en déséquilibre du fait de l’anthropisation. Les forêts sont plus ou moins à 'équilibre.
Le problème est que la déshydration climatique risque de transformer nos puits de carbone en fontaines de CO2.
Je ne vois pas de quel histogramme vous parlez.
Si vous faisiez allusion à la courbe de CO2, ses oscillations sont assez peu corrélées aux émissions. Ce qui gouverne est la santé des écosystème, notamment celle de l’écosystème prairial qui d’après mes calculs brasse annuellement 12 fois les émissions anthropiques. Sachez que plusieurs auteurs annoncent une variation d’un facteur 5 dans la respiration intrinsèque du sol, en fonction de la diversité d’espèces notamment fongique. Pour la même respiration que celle de mon champ, la parcelle de Gabe Brown au US fourni 10 fois plus de minéraux…
Vu que vous êtes curieux, si vous le pouvez, je serais heureux que vous puisiez vérifier l’ordre de grandeur du CO2 brassé par l’écosystème prairial par rapport aux émissions anthropiques. Au plaisir, n’oubliez pas de vous faire prêter des moutons, si vous n’en aviez pas!. Merci.
Bonjour Cedric,
Merci pour vos réponses, très claires.
L’histogramme des stocks de carbone se trouve sur le haut de la page « Puits de carbone de Wikipédia » à l’adresse suivante:
(J’ai essayé de le mettre en pièce jointe mais votre site « Triple performance » ne l’as pas accepté)
Sur cet histogramme vous remarquerez que seules les forêts tempérées stockent moins que les déserts (100 contre 180 tC/ha). Les forêts tropicales stockent un peu plus que les déserts (210 contre 180 tC/ha)
Les forêts boréales stockent beaucoup plus que les déserts (460 contre 180 tC/ha).
Je pense effectivement que ces stocks de carbone dans les sols des déserts sont des reliquats d’une période antérieure, pas si lointaine qu’on pourrait le penser à priori, puisque j’ai vu que le Sahara était verdoyant il y a 5000 à 11000 ans.
Cela me parait plausible, mais j’ai trouvé deux publications (l’une Américaine, l’autre Chinoise) qui montrent que les déserts continuent d’absorber du Co2 en permanence et de façon non négligeable.
D’après la première publication, les déserts absorberaient plus de Co2 que les forêts (mesure sur 10 ans) !
D’après la deuxième, (lien ci-dessous) les déserts pourraient absorber 5,2 GtC par an, soit la moitié de nos émissions anthropiques !
https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.320.5882.1409
Après tout, il se peut que le sable ne soit pas totalement imperméable au Co2. Celui-ci étant plus lourd que l’air (1,87 g/l contre 1.2 g/l), sur les 2800 GtCo2 de l’atmosphère, si je compte seulement 1% qui pénètre chaque année dans les sables des déserts, cela représente une quantité égale à 75% de nos émissions anthropiques !
Contrairement aux forêts ou prairies, ce Co2 serait emprisonné définitivement dans les sables puisqu’il n’y a pas de respiration ou décomposition de MO.
Ces deux publications étant en anglais, je les ai traduites et pourrai vous les transmettre quand « triple performance » me l’autorisera.
Curieusement, je n’ai pas trouvé d’organisme Français (CNRS, CEA…) qui parlent de ce sujet. Comme vous le dites, cela est très interpellant.
Quand à notre deuxième sujet, l’ordre de grandeur du Co2 brassé par l’écosystème prairial, je vous le transmets prochainement.
Bonjour Cedric,
Concernant le Co2 brassé par l’écosystème prairial, les informations sont rares, mais j’ai quand même trouvé le document suivant :
https://hal.inrae.fr/hal-02824535/document
Flux de carbone:
D’après ce document en page 8, la densité de flux brassé par l’écosystème prairial serait de 19 tC/ha/an,
Avec 4600 millions d’hectare de surface de prairies à travers le monde, cela donne un flux de carbone brassé de 87 Gtc/an, soit 8.6 fois nos émissions anthropiques (10,2 GtC pour 2022).
C’est un peu moins que ce que donne vos calculs (12 fois nos émissions anthropiques). Vous avez probablement d’autres sources que je n’ai pas trouvées.
Pour les forêts, la densité de flux brassé serait de 31 tC/ha/an,
Avec 3850 millions d’hectare de surface de forêts à travers le monde, cela donne un flux de carbone brassé de 120 Gtc/an, soit 12 fois nos émissions anthropiques.
Le flux total brassé par les prairies serait donc plus faible que celui des forêts (87 contre 120 tC/an), mais reste effectivement important comparé à nos émissions anthropiques.
Absorption de carbone:
On remarquera aussi que l’absorption de carbone par les prairies (0.7 tC/ha/an) est supérieure à celle des forêts (0.39 tC/ha/an).
Au total, l’ensemble des prairies absorbent environ 2 fois plus que l’ensemble des forêts (3,2 contre 1,5 GtC/an)
Votre expérimentation de pâturage à haute efficacité donne des valeurs très supérieures puisque vous avez mesuré 10 tCO2/ha/an soit 2.7 tc/ha/an.
Prairies:
Surface: 4,6 Gha
Flux de carbone brassé: 19 tC/ha/an soit 87 Gtc/an au total
Absorption de carbone: 0.7 tC/ha/an soit 3.2 Gtc/an au total
Forêts:
Surface: 3,85 Gha
Flux de carbone brassé: 31 tC/ha/an soit 120 Gtc/an au total
Absorption de carbone: 0.39 tC/ha/an soit 1.5 Gtc/an au total
Pâturage Cedric Cabrol
Absorption de carbone: 2.7 tC/ha/an
Bien cordialement
Charles Couland
Bonjour Charles,
Merci pour ces informations très précieuses, et ces sources.
Pour ce qui de mon estimation, elle est faites à partir du rapport du GIEC.
Je parle d’écosystème prairial au sens large et historique.
Mon calcul approximatif, rendu possible par les ordres de grandeur qui sont très importants, résulte de diverses soustractions pour avoir une estimation.
Je pense que vos sources offrent une vision beaucoup plus fine que la mienne.
(Je ne remets plus la main sur ma note de calcul a cet instant)
Concernant le gain de carbone, notez que pour Alizier, la variation est de près de 50 TCO2/Ha en 2 ans voire 1 an car il n’y pas eu de couverts et de pâturage exsudatif l’anné 2022 caractérisée par un sécheresse intense.
Pour apprécier le volume de CO2 brassé annuellement par les surfaces végétalisées, souvent cultivées, on peut jeter un œil sur cette vidéo de la NASA. En juillet, la Chine fait pâle figure… NASA | A Year in the Life of Earth's CO2 - YouTube
Merci pour tous vos calculs.
Cordialement
Cédric
cedric.brol@gmail.com
Bonjour, @charles.couland
Pour mes calculs, je prend en plus les autres cultures, car elles aussi brassent du carbone, ce qui peut expliquer que cela fasse plus que 8,6.
Prenez vous en compte la surface mondiale de prairie ou la SAU?
Bonjour, Excusez cette réponse tardive. Je considère tous l’écosystème « prairial » donc toute la SAU.
Bonjour Cédric,
C’est moi qui m’excuse de ma réponse tardive, je n’ai pas vu l’alerte de votre message.
Dans mes calculs j’ai pris uniquement la surface mondiale des prairies (4.6 Gha) dans le monde, et non la SAU.
Cela pourrait peut être expliquer pourquoi vous trouvez une valeur supérieur à 8,6.
Cette surface de 4,6 Gha couvre 24% de la surface des continents soit 46 millions de km2. Sont inclus dans ces formations végétales : la steppe russe, la prairie nord-américaine (Canada, États-Unis) et la pampa sud-américaine (Argentine, Chili)
Cordialement
Charles Couland